Être des pierres vivantes
Dans la 1ere lecture, il est question d’une Église divisée selon des lignes linguistiques et culturelles; une Église qui ne peut pas tenir la promesse d’une communauté où il n’y aurait personne dans le besoin. Nous voyons des chefs trop occupés pour s’occuper de la distribution de nourriture aux veuves. Ce n’est pas une communauté idyllique sans problème. C’est une Église naissante qui est controversée, débordée et confrontée à de graves difficultés. Quand les chemins sont écrits d’avance, ils deviennent vite des prisons. On peut entendre : « Ça s’est toujours fait comme ça; pourquoi changer ? » Cette route-là est toute tracée, mais sans liberté. Ce que nous apprenons dans les Actes c’est qu’il faut user d’imagination quand nos vies en communauté sont confrontées à des difficultés. Les Douze appellent à un rassemblement. Ils choisissent sept hommes pour assurer une distribution égale de la nourriture, des serviteurs dont les noms et les origines suggèrent qu’ils peuvent être tirés des hellénistes de la communauté. Hélléniste est le nom donné aux Juifs de la Diaspora, par opposition aux Juifs nés en Palestine et dont la langue n’était plus l’arménien, mais le grec. Le conflit se termine par la diffusion de la parole de Dieu et l’augmentation du nombre de disciples à Jérusalem.
Dans la 2ième lecture, Pierre décrit ceux et celles qui sont les croyants et il se tourne vers les problèmes d’identité. Il commence par une puissante image de pierres dans le temple de Dieu. Jésus est la pierre vivante que les croyants et croyantes ont reconnue et dans laquelle ils ont trouvé leur espérance. Mais Jésus est la pierre angulaire rejetée par les gens, pourtant c’est celle qui a la plus grande valeur pour Dieu. On s’imaginer que le royaume de Dieu est comme une réalité très éloignée de notre monde, mais dans sa lettre, Pierre ne suggère pas ça. Pour lui, la révélation du royaume est destinée à se produire ici-bas. C’est ici et maintenant que les chrétiens et chrétiennes sont appelés à être une communauté active, vivante. C’est ainsi que l’Église doit être faite : de pierres vivantes. De plus, nous sommes comme des pierres vivantes dans un temple spirituel. C’est une communauté spirituelle dont la vocation fondamentale est la proclamation de la bonne nouvelle, non seulement en paroles, mais en actes.
Pierre parle d’une Église où les baptisé.es sont eux-mêmes le lieu de la présence de Dieu, pas une bâtisse. Nous devons donc présenter Dieu à nos contemporains à la manière de Jésus. Souvent, lorsque des personnes rejettent Dieu, ce n’est pas le Dieu de Jésus qu’ils rejettent. Le plus souvent, c’est l’idée qu’ils se font d’un Dieu d’en haut, contrôlant, un Dieu qui nous empêche de penser par nous-mêmes. L’Église doit sans cesse s’adapter aux réalités du monde. Sinon, comment peut-on dire que Jésus est vivant à travers ses disciples d’aujourd’hui ?
Lorsque saint Jean écrit son évangile, plusieurs années après la mort de Jésus, les chrétiens et chrétiennes souffraient de discrimination et de persécution. Ils avaient été chassés des synagogues et avaient perdu le contact avec leurs communautés respectives. Ils étaient considérés comme des ennemis publics par les Romains et comme des hérétiques par leurs compatriotes Juifs. C’était pour eux un temps de grandes souffrances. Dans ce contexte difficile, les paroles réconfortantes de Jésus sont bienvenues : « Ne soyez pas bouleversés. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. »
Dans nos vies, nous vivons parfois des heures semblables à celles des premiers chrétiens et chrétiennes. Des peurs angoissantes s’abattent sur nous, à cause d’un avenir incertain, d’une rupture d’amitié, une perte d’emploi, une maladie incurable, une sérieuse diminution physique qui accompagne la vieillesse, un confinement…
À nos drames individuels, s’ajoutent les craintes collectives : un drame planétaire du nom de Covid-19, le chômage et la perte d’emploi qui en découle, la violence familiale, la faim dans le monde, la pollution, des conflits qui perdurent.
Dans notre Église, la pratique religieuse diminue, les changements se multiplient, les églises se vendent, le clergé ne répond plus aux besoins, un vent de panique gagne même les plus fidèles qui, parfois, ont l’impression que rien ne va plus.
Et pourtant, la «pratique religieuse» consiste avant tout à incarner dans nos vies les exigences de l’Évangile, c’est-à-dire savoir se mettre au service des autres, comme le disait notre évêque Claude Hamelin au début de la pandémie : « En temps de crise, l’Église diocésaine doit ‘demeurer prophétique’, Elle ne doit surtout pas mettre à pied son personnel, mais plutôt l’engager à ce que nous savons faire de mieux, nous mettre au service les uns des autres… Il est inconcevable que le personnel pastoral ne soit pas au premier rang dans la lutte à l’exclusion sociale qu’une telle pandémie risque de créer au sein de notre société… Merci Mgr Claude de nous montrer l’exemple en allant sur le terrain auprès des itinérant.es avec des agent.es de pastorale. Comme Église, il faut s’adapter et créer en fonction de la réalité vécue et des besoins rencontrés sur le terrain. » Parce que la Parole du Seigneur est féconde, qu’elle est chemin de vie, il faut sans cesse répondre aux nouveaux défis qu’elle nous lance. Suivre le Christ ressuscité, c’est donc s’engager sur un chemin dont nous ne savons pas toujours où il nous emmène, c’est accueillir la Vie avec un grand V. Cela veut dire ne pas rester enfermés dans le passé mais s’ouvrir à l’avenir d’un Dieu qui est Chemin, Vérité et Vie.
Dans l’Église, dans la société quelle sera notre contribution comme pierre vivante ?
AMEN
Hélène